La postérité est cruelle et parfois même injuste : si les noms de bien des réalisateurs passés par la Shôchiku s’inscrivent toujours en lettre d’or au sommet du Panthéon du cinéma japonais, y manque incontestablement aujourd’hui celui de Yoshitaro Nomura. On peut dans la collection des Introuvables admirer ses deux plus belles réussites, Le Vase de sable (1974), proposé par Scalpaf lors de la session 29, et donc cet Eté du démon. Les premières minutes installent les enjeux du film : une mère, incapable d’élever ses trois jeunes enfants à la campagne, les ramène puis les abandonne chez leur père, à la ville. Mais la nouvelle épouse de celui-ci ne tolère pas la présence de ces trois indésirables dans son restaurant, et fixe un ultimatum radical au patriarche dépassé par les évènements : « Eux ou moi. » Progressivement, le père, tant par lâcheté que par incompétence, se résout à l’impensable : tuer ses propres enfants. La gravité dramatique du film, initiée par ce postulat sinistre, est constamment renforcée par le contexte d’un Japon des années 70 où la misère, économique comme sociale, est à chaque coin de rue. D’autre part, comme dans Le Vase de sable, Nomura ne cède au sein du réalisme ambiant que ponctuellement à la tentation de la stylisation, qui intervient alors de manière d’autant plus fulgurante, d’autant plus saisissante, amplifiant ainsi l’insoutenable intensité des certaines séquences. Cela est notamment illustré par l’air possédé, démoniaque, de la belle-mère lorsque celle-ci se met à imaginer l’impensable. Mais à l’image de ce qu’il avait réalisé dans Le Vase de sable, Nomura laisse la flamboyance esthétique grignoter son film, jusqu’à une paroxystique scène pré-finale au sommet de la falaise, face à un soleil couchant d’un rouge dévorant (Question son et image 2). Visuellement splendide, le film devient surtout émotionnellement extrêmement dense, son épilogue n’en étant que plus poignant, venant confirmer cette manière bien à lui qu’avait Yoshitaro Nomura d’évoquer les blessures enfantines par le biais de l’infinie cruauté des adultes. L’Eté du démon est un film beau, dur et bouleversant.
Comme beaucoup de réalisateurs que l'on considère habituellement comme des "techniciens doués", surtout aux Etats-Unis, John Badham, dont le nom aujourd'hui ne signifie plus grand chose, connut une période bénie qui le fit enchaîner des films particulièrement roboratifs. De "La Fièvre du samedi soir" à "Etroite surveillance" en passant par "Dracula", "C'est ma vie après tout" ou "Wargames", Badham a d'une certaine manière marqué le cinéma américain de la fin des années 70 et du début des années 80. Et justement "Tonnerre de feu" constitue une sorte de passerelle entre le film de politique-fiction au discours contestataire et paranoïaque de la décennie précédente et le film d'action spectaculaire de cette nouvelle décennie qui va marquer le règne des blockbusters. Roy Scheider interprète un policier pilote d'hélicoptère - et ancien du Vietnam - qui s'empare d'un prototype révolutionnaire pour mettre au jour une machination politique et criminelle ourdie par les concepteurs même de l'appareil au sein des services de l'Etat. Production à grand spectacle souvent haletante, bénéficiant d'un scénario malin et d'un casting solide (outre le toujours admirable Scheider, on retrouve Malcolm McDowell en salaud qu'on adore haïr ou encore cette grande gueule de Warren "Alfredo Garcia" Oates), "Blue Thunder" permet à John Badham (formé à la télévision) de montrer le talent qu'il possédait alors et de proposer de belles séquences aériennes. Thriller efficace et intelligent, à la fois fasciné par le futurisme technologique qu'il met en valeur et méfiant devant sa toute-puissance, "Tonnerre de feu" sait accorder toute sa place aux conflits et aux drames humains. Le plan final du film baigné par la musique électronique d'Arthur Rubinstein est resté, pour certains, mémorable.
Pendant une bonne heure, c’est surtout le mystère qui régit ce quatrième long métrage de la réalisatrice Isabel Coixet, à qui on doit aussi l’admirable Ma vie sans moi, déjà avec Sarah Polley. Une jeune femme étrangère, malentendante, à la vie extrêmement organisée et à la grande discrétion, prend connaissance d’un accident survenu sur une plate-forme pétrolière, et se propose pour intervenir comme infirmière auprès d’un homme, rendu aveugle et en partie défiguré par l’incident. Dans ce cadre atypique, et au milieu des occupants singuliers de la plate-forme, une relation particulière va naître entre ces deux échoués, quelque part entre la méfiance, la séduction, et la chasse aux secrets... Durant toute cette première partie, le dispositif de la cinéaste repose sur bien peu, invitant du coup l’attention du spectateur à se porter ailleurs, sur le reste, sur ce qui se dit « derrière » les mots, sur ce qu’ils expriment au-delà de leur sens. Malgré sa modestie d’apparence, le film parvient à captiver, maintenant une indéniable aura et révélant une véritable délicatesse par sa manière de capter au plus près, caméra à l’épaule, les visages de deux comédiens (Sarah Polley et Tim Robbins, avec Julie Christie sur l’image 3). Evidemment, toute cette première partie trouve ensuite justification, au moins autant de son mystère d’ailleurs que de sa gravité – je ne vais pas trahir le secret d’Hannah, mais il convient de prévenir que la scène de la confession, dans laquelle les langues se délient et les corps s’expriment, est absolument dévastatrice. Il y a, dans The Secret Life of Words, un remarquable travail autour de la survivance, du sauvetage et de la renaissance, toujours traité par la pudeur plutôt que par la lourdeur symbolique : tandis qu’elle, la sourde, vient soigner l’aveugle, c’est lui qui apprendra à écouter pour panser les terribles plaies qu’elle dissimule (image2). D’une certaine manière, le film possède aussi une discrète composante fantastique, évoquant sans les montrer ces fantômes du passé, avec lesquels Hannah apprend à vivre pour qu’ils la hantent... un peu moins. Curieusement, on finit presque impressionné par la maestria en sourdine de la réalisatrice qui, sans violons ni trémolos, transforme un échange intime en un drame indispensable sur le travail de mémoire collectif. D’ailleurs, on ne saurait limiter son talent à sa façon admirable de filmer au plus près les comédiens : elle qui savait laisser le temps au temps jusqu’alors montre par exemple dans la partie finale sa grande efficacité narrative dans une brève séquence quasi-muette intermédiaire au son de l’une des plus belles chansons de Tom Waits, All the world is green (son de la question – d’ailleurs, la bande-son, où l’on retrouve aussi Juliette Greco et Antony & the Johnsons est à l’image du film : élégante et délicate). Disons-le simplement : The Secret Life of Words est un coup de cœur inattendu.
Si la musique de ce beau film pouvait faire penser à une œuvre de Joe Hisaichi, elle est en fait une composition du méconnu Katsu Hochi qui signait là un morceau très émouvant pour cette magnifique chronique réalisée par Isao Takahata, le réalisateur du "Tombeau des lucioles" et de "Mes voisins les Yamada". Dans la famille des grands cinéastes d'animation japonais, à côté du magicien Hayao Miyazaki, se trouve le poète du quotidien, Takahata donc, qui passe d'un style esthétique à un autre au gré de ses films tout en conservant sa forte sensibilité mélancolique. "Souvenirs, goutte à goutte", à travers l'évocation de souvenirs d'enfance et le retour vers ses racines, est une tendre chronique sur la famille traditionnelle, la construction de soi (et celle du pays), l'attachement aux valeurs fondatrices ; mais sans jamais tomber dans le passéisme facile ou un quelconque nihilisme. Bien au contraire, grâce à un savant montage parallèle dans le temps et l'espace, nous suivons l'héroïne du film se remémorer son enfance en 1966 tout en passant à notre époque ses vacances dans la famille de son beau-frère. Et c'est toujours vers le futur que Takahata nous pousse à regarder, les leçons du passé servant à se fortifier, à apprécier l'évolution du temps sur sa personnalité, à ressentir la prégnance et l'influence nécessaire des figures mémorielles au-delà des conflits qui ont pu émailler notre existence, à enfin trouver sa voie. "Omohide poro poro" est un film intelligent, tendre, drôle, mais aussi bouleversant, qui sait prendre son temps pour nous dévoiler son joli message, sans didactisme aucun mais au contraire avec une certaine poésie qui découle peu à peu d'un récit finalement apaisé.
Je ne peux pas vous parler des différences qu'il existe entre le livre et cette adaptation car je ne l'ai jamais lu. Alors je ne vais vous parler que du film, et je vais vous parler de la claque je me suis pris en le regardant. Il est d'un puissance émotionnelle rare, de celle qui vous hante bien après le générique final. C'est tout d'abord l'histoire d'une quête impossible, celle d'un père et de son fils qui partent à la recherche d'un eden introuvable dans une terre futuriste dévastée par l'apocalypse. On est loin d'un film à grand spectacle, ici tout est désolation et dévastation, les rares survivants sont à éviter à tout prix car dans le meilleur des cas ils n'en veulent qu'à vos maigres biens et dans le pire, à vos vies. C'est dans ce climat violent et barbare qu'errent le père -Viggo Mortensen, grandiose- et son fils, ils se dirigent vers la mer et espèrent y trouver un hypothétique futur. La relation entre les deux est d'autant plus forte qu'il n'y a plus que ce lien familial qui les aide à survivre et à avancer chaque jour qui passe.
Certains ont reproché au film son manque d'action, mouais... mais bon, quand on prend une telle charge émotionnelle en pleine gueule, il me semble difficile d'en demander plus et j'attends le prochain film de John Hillcoat avec impatience.
Non rassurez vous, je ne vais pas vous la faire à l'envers, et essayer de vous convaincre de réévaluer le film de Luigi Cozzi. On est d'accord, il ne s'agit que d'un vulgaire ersatz d'Alien comme a su en produire l'Italie des années 80 par dizaines, il tient le haut du panier du genre quand même. Mais bon passons, je ne voulais pas laisser passer cette semaine musicale, sans proposer un morceau des Goblins, et là vous me direz, ok mais bon ils ont fait des meilleurs films (les argento, zombie), je suis d'accord (enfin j'aime pas Les frissons de l'angoisse, et je vous vois les deux au fond qui rigolent) mais bon on a tous vu Suspiria, alors que Contamination, fallait au moins avoir un vhs dans les années 80 hein !!! Et en plus tout simplement je trouve que le morceau titre (question) est excellent, représentatif du style des Goblins, et il m'a profondément marqué. Et puis ça vaut toujours mieux qu'un film de Christophe Honoré...
On préférera au titre français débile, sa version originale : "The Hangover", soit 90 minutes de gueule de bois hallucinée dans un Las Vegas à rendre parano. Étonnant succès de 2009, le film de Todd Philips doit surtout son triomphe public (et critique) à un scénario plutôt astucieux, quelques gags scatos dépassant la ligne blanche (dont un incroyable plan de turlute... censuré sur le DVD) et surtout la découverte d'un talent dévastateur : le génial Zach Galifianakis, futur grand de la comédie américaine. Oubliez Jack Black, son successeur est là, et on ne verra bientôt plus que lui.
On me fait passer pour le fan hardcore d'Honoré chez les Glanches, alors que dans l'absolu, "Cécile Cassard" me les cassarde menues, "Les chansons d'amour" me cassarde les oreilles, "Ma mère" est une des pires choses qu'il m'ait été donné de regarder ces 10 dernières années, et que la première heure de "Dans paris" m'ennuie. Oui mais voilà... Il y a "Non, ma fille tu n'iras pas danser", film unanimement moqué par les Glancheurs, et qui pourtant mériterait un petit coup d'oeil, pour ceux qui ne l'auraient pas vu. Portrait en coupe d'une mère perdant petit à petit pied, le film émeut, puis bouleverse. Servi par un casting haut de gamme (Marina Foïs, Chiara Mastroïanni et Jean-Marc Barr trouvent là leurs plus beaux rôles respectifs), une musique à faire pleurer les pierres et une mise en scène élégante, c'est à mon sens le plus beau film français de l'an dernier. Raisons pour laquelle il a toute sa place dans cette 31° session !
Le film a beau être marqué par les années 80 par son ésthétique et sa musique, j'ai toujours autant de plaisir à le regarder. Tout d'abord, je trouve l'histoire passionnante : un tueur à gages froid et calculateur rencontre un ancien flic devenu écrivain et lui propose un étrange marché, il lui raconte tous les crimes qu'il a commis depuis des années pour le compte d'un célébre homme d'affaire pour que l'ancien policier écrive ses mémoires dans un futur "best seller". Au fil de leurs échanges une étrange relation entre amitié, fascination et haine nait entre les deux hommes.
Outre l'histoire donc, le film à une autre énorme qualité à mes yeux à savoir l'acteur qui joue le rôle du tueur, l'impeccable James Woods, cet acteur qui confia dans une entrevue qu'il était prêt à tuer pour avoir un bon rôle à l'écran et quand on le voit dans ce film on le croit sur parole. Il peut d'une scène à l'autre être la pire des ordures ou bien être aussi touchant qu'un petit enfant perdu dans une forêt (ou ailleurs, mais c'est plus émouvant un enfant perdu dans une forêt, non ?). Et enfin, la réalisation de John Flynn est plutôt efficace, alors n'hésitez plus !
Lors d’un récent voyage au Portugal, après avoir honteusement réalisé que pour moi, le cinéma lusitanien se limitait à Monteiro et De Oliveira, je suis entré au hasard dans une boutique, et j’ai demandé au vendeur de me proposer plusieurs titres « patrimoniaux » du cinéma portugais, des films connus de tous les locaux. Parmi les galettes ramenées dans mon escarcelle, il y avait O patio das cantigas, la « cour des chansons », une petite comédie musicale efficace et attachante, qui décrit la cohabitation d’une galerie de personnages hauts en couleur autour de leur cour commune. Humour bon-enfant (la réplique « O Evaristo, tens ca disto ?! » est apparemment cultissime au Portugal), situations burlesques (l’arsouille du coin qui discute avec le lampadaire chaque soir en revenant soûl, image 2), chansons (du Fado, évidemment, dans l’extrait proposé en dernier indice) et danses (Question), la comédie distille son sympathique esprit communautaire, tantôt vachard tantôt mélancolique. L’ensemble est entraînant, enjoué, et met résolument de bonne humeur – accessoirement, il m’a donné envie de retourner à Lisbonne, crapahuter le long des collines dans la journée et aller boire des coups au Barrio Alto en soirée !
Trois acteurs ringards (et pourtant nous ne sommes qu'en 1916 !) se retrouvent sans emploi, ils acceptent alors de partir en représentation dans un petit village méxicain. Le petit hic, c'est que les méxicains les ont recrutés pour qu'ils débarassent leur village d'une bande de dangereux hors-la-loi pensant qu'ils étaient de courageux héros prêt à tout pour défendre la veuve et l'orphelin. Voilà typiquement le genre de film où tous les styles de la "comédie" sont abordés puisqu'on y trouve de la comédie tendre et bon enfant, de l'autre plus lourdingue et débile, en passant par la comédie musicale et la comédie romantique, c'est carrément casse gueule mais quand ce sont des comédiens habitués du stand-up et de l'émission comique culte, le Saturday Night Live -véritable mine aux trésors pour les comiques américains puisque l'émission qui existe depuis 1975 à lancé entre autre : Eddie Murphy, Dan Aykroyd, John Belushi, Will Ferrell, Adam Sandler, Bill Murray, Mike Myers, pour ne citer que les plus célèbres !!!- et donc, quand ce sont des comédiens rodés comme les trois acteurs principaux à savoir Steve Martin, Martin Short et Chevy Chase, l'alchime fonctionne plutôt bien et moi j'en redemande ! Petite anecdote sympa puisque le film est une référence direct à cet autre monument du 7ème art, c'est dans le même village qu'a été tourné Les sept mercenaires 26 ans plus tôt.
Avant d'être à la mode dans nos contrées, Johnny To était le parent pauvre des auteurs Hong Konguais, cela ne l'empêchait nullement de poursuivre son bonhomme de chemin, . Là où tous ses compatriotes subissaient le contre-coup de la rétrocessions après 1997, To élève notablement son niveau dés la fin des années 90, pour nous livrer coup sur coup plusieurs excellents films. Running out of time en fait partie. Scénarisé par deux français (Laurent Courtiaud et Julien) il nous raconte l'affrontement de haut niveau entre Lau Ching Wan et Andy Lau, chacun d'un coté de la barrière de la loi. Dans la plus pure tradition des films Milkyway, ROOT s'avère un excellent polar.