Pour certains réalisateurs, leur premier film se révèle un coup de maître. Ce qui fut le cas de Roman Polanski en 1962. Avec ce film atypique pour l'époque, venu de derrière le Rideau de Fer, un cinéaste était né. Fort de ses premières expériences sur des courts métrages dans lesquels la drôlerie et l'ironie le disputaient au surréalisme des situations dramatiques, Polanski montre déjà toute l'étendue de son immense talent dans ce (presque) huis clos à la forme parfaite. Dans cette œuvre tragi-comique opposant un couple de petit-bourgeois, bien installé dans ses convictions et ses petits privilèges, et un jeune homme à l'attitude nonchalante mais également provocatrice et rebelle, le cinéaste peint discrètement le portrait de la société polonaise communiste d'alors, entre conservatisme arrogant et répression de toute forme de pulsions libertaires. Tout l'art des faux-fuyants de Polanski est déjà présent, ainsi que son humour noir, sa gestion toute personnelle du suspense dans les confrontations psychologiques, et sa science du cadre et du huis clos étouffant. Sans oublier un brin d'érotisme bienvenu qui sourd de cette fable mordante se terminant quasiment comme elle avait commencé, mais avec le sentiment qu'il suffit d'un grain de sable pour ébranler n'importe quelle situation apparemment confortable et faussement rassurante.
Si vous êtes passés comme beaucoup à côté de ce film, difficile de vous jeter la pierre, en effet vendu comme un Narnia bis, Le secret de Terabithia se révèle bien plus profond que ça. Véritable mélo adolescent, le film de Gabor Csupo aborde des thèmes rarement évoqués dans le cinéma américain pour teenagers. Le tout porté par une interprétation remarquable notamment des enfants. Film au ton très juste et très touchant, Le secret de Terabithia est à voir absolument, pour les grands enfants que nous sommes.
Une curiosité, parfois considérée comme une oeuvre maudite (le Vatican cherche à l'interdire), qui n'a longtemps été connue que pour sa musique, signée Ennio Morricone (premier indice, séquence fabuleuse qui a motivé mon choix de ce film). Il s'agit en réalité d'un beau film, opaque et sensoriel, qui témoigne d'une hostilité certaine pour les institutions religieuses (question), et en particulier pour l'étouffoir à l'amour qu'est le mariage (selon Agosti, en tout cas). Pour en savoir plus
Alors... Comment dire ? Bon, bin je ne l'ai jamais vu The Pleasure Garden. Mais c'était l'occas' ou jamais de proposer un Hitchcock, de vous parler de ce site incroyable (http://www.hitchcockwiki.com/wiki/1000_Frames_of_Hitchcock) et de faire un peu de retape pour l'intégrale Alfred Hitchcock qui attend les parisiens à la Cinémathèque française dans 2 semaines.
Les habitants du petit quartier de Pimlico, à Londres, découvrent un jour un document médiéval qui leur révèle qu'ils appartiennent en réalité à la France, via le duché de Bourgogne. Le point de départ astucieux de cette comédie so british signée des studios Ealing est le formidable prétexte à une comédie satirique enjouée, qui raille les communautarismes et offre une attachante galerie de personnages hauts en couleur. Néanmoins, et de manière tout à fait symptomatique de ce que pouvait produire le studio, sous le rire se cachent des observations plus pointues et très légitimes sur nos petites mesquineries ou sur de plus amples questions sociales. Une sorte de Whisky à gogo ! meets Noblesse oblige, tout à fait recommandable !
David Dodkin (Serial Noceurs), Nicholas Toller (Get him to the Greek), Josh Gordon (Les rois du patin), Kent Alterman (Semi-Pro)... Ils sont nombreux les faiseurs à la tête des comédies US mettant en scène les teams Will Ferrell / Judd Apatow / Seth Rogen etc. Au milieu de cette interchangeable meute, Adam McKay commence à vaguement se faire un nom. Non pas qu'il y ait un style McKay reconnaissable au premier coup d'oeil... Mais peut-être un certain sens du rythme, et une faculté à déceler ce qu'il y a de plus génial chez l'inconstant Ferrel. "Ron Burgundy" peut ainsi être considéré comme leur chef d'oeuvre commun, une satire drôlatique de la télé emmenée tambour battant par un acteur au sommet de son art, et un réalisateur capable d'accès loufoques bienvenus (l'incroyable bagarre des présentateurs télé). Afternoon delight !!!
Parmi les nouveaux "maîtres" de la comédie américaine qui sont apparus dans les années 60, il en est un dont on a tendance à minimiser les œuvres tant sa fin de carrière, dans les années 80 et 90, apparaît hélas désolante, tristement pauvre et même ringarde. Pourtant, durant une bonne quinzaine d'années, Mel Brooks aura apporté un vent de liberté satirique bienvenu qui mêle les détournements d'épisodes historiques et de codes cinématographiques à de la franche déconnade, et ce sans jamais se départir d'un fort penchant pour la gaudriole et les jeux de langage délirants voire surréalistes. Et ça commence fort avec son premier film qui montre un producteur de Broadway gros et libidineux, nouvellement flanqué d'un comptable peureux, monter une arnaque en organisant l'échec programmé de son nouveau spectacle afin de conserver l'argent innocemment apporté par de riches et vieilles femmes qu'il séduit. Et ce spectacle, censé être la pire des choses jamais produites sur scène, est une comédie musicale adaptée d'une pièce sur la vie d'Adolf Hitler écrite par un nazi totalement allumé ! L'humour juif new-yorkais frappadingue et sans complexe de Mel Brooks donne ainsi naissance au fameux "Springtime for Hitler", et les scènes de comédie sont si énormes et délirantes que les rires l'emportent sur toute forme de considération morale. Quant aux acteurs (Zero Mostel, Gene Wilder, Dick Shawn, Kenneth Mars), ils sont tout simplement prodigieux.
Comment le chef d'une équipe des forces spéciales de la police brésilienne, la BOPE (prononcez bopé) va-t'il faire pour trouver l'homme qui va le remplacer à la tête de sa section, sachant que c'est le job le plus dangereux du pays ? Voilà en quelques mots le résumé du film, mais l'histoire n'est qu'un prétexte pour le réalisateur, José Padilha, pour dépeindre un pays au bord du goufre. Entre la misère ambiante du pays, les policiers presque tous rongés par la corruption, les favelas entièrement pourries par le traffic de drogue et cette unité spéciale dont les membres sont prêt à tout pour obtenir des résultats -la torture fait parti de leur quotidien- le constat est assez catastrophique et on se demande quel avenir aura ce pays. José Padilha brouille un peu plus les pistes entre la réalité et la fiction en filmant comme si c'était un reportage, le film y gagne en puissance et brutalité. Un premier film choc et réaliste -il n'y a qu'à voir ces images dont les journaux télévisés nous ont gavés il y a moins de quinze jours avec les vraies troupes d'élite en train de "nettoyer" une des plus grosse favela de Rio- qui laisse présager un grand potentiel pour ce réalisateur.
Les romans de Jane Austen, publiés pour la plupart anonymement, trouvent une bonne partie de leur intérêt dans leur restitution du contexte socioculturel de l’Angleterre de la toute fin du 18ème siècle, et en particulier concernant la situation de la femme. On retrouve cette ambition dans les scènes d’exposition du film de Joe Wright, qui décrivent par l’ordinaire le quotidien d’une famille de bourgeois de la campagne anglaise hantés par la préoccupation de marier leurs cinq jeunes filles, toutes plus ravissantes les unes que les autres, mais malheureusement dépourvues de dot, approche réaliste toutefois sublimée par un travail sur les costumes et sur la lumière particulièrement inspiré, qui donne de la substance et du relief à une œuvre dès lors tout sauf figée : si le raccourci entre « film en costumes » et « film académique » est souvent tentant (alors qu’il se trouve bien des films sclérosés par l’académisme ayant adopté un cadre contemporain…), il est particulièrement peu approprié ici tant Joe Wright s’échine à constamment créer une véritable dynamique de vie. En particulier, lors d’une fameuse séquence de bal, il laisse sa caméra entraînée par le flux des convives pour mieux retrouver son héroïne tapie dans l’obscurité, comme effrayée par la lumière artificielle du faste (dernier indice). De belles compositions, notamment avec une utilisation pertinente des verticales, viennent fragmenter les plans, cloisonner, emprisonner Elizabeth : Wright suggère les carcans sociaux aussi bien qu’il les transcende ensuite soudainement en suggérant les élans libertaires de la belle rebelle avec lyrisme et amplitude (question). Cette mise en scène habile évite tout excès tape-à-l’œil, affleurant constamment en écho aux tumultes intimes ou aux impulsions passionnelles de Lizzie. Elle permet qui plus est d’apprécier encore mieux les résonances contemporaines du texte originel, qui questionne les interactions sociales autant que le poids des origines, mais évoque surtout l’état amoureux à travers ses phases les plus multiples, de la fatuité de façade à l’abandon irraisonné ; une âme de midinette sera donc requise pour les dernières séquences du film, prévisibles mais renversantes... On ne saurait trop recommander aux sceptiques de mettre de côté leurs propres préjugés (et leur orgueil, donc…) pour donner une réelle chance à cette adaptation remarquable de vivacité et de modernité.
Oui, la politique des auteurs peut avoir des effets pernicieux. On ne va pas vous raconter d'histoires, ce premier film "officiel" de Francis Ford Coppola est plus une curiosité qu'un véritable bon film. Le jeune Francis est un débutant très prometteur (qui va bientôt s'illustrer comme scénariste pour de grosses productions) et à cette époque, comme plusieurs autres futurs grand réalisateurs, il travaille sous l'égide de Roger Corman, lui-même cinéaste de talent, grand producteur (plus par le nombre de productions que par leur qualité mais c'est une autre histoire) et enfin plutôt fin limier - il fut un temps - quand il s'agissait de miser sur des artistes en devenir. "Dementia 13" est un film d'horreur se voulant gothique et malsain, un peu fauché, bizarrement structuré et surtout presque sans intérêt. Mais il permet à Coppola de se faire la main ; et il peut arriver qu'on trouve en visionnant cette série B (Z ?) quelques plans ingénieux et bien troussés. Autrement, il s'agissait ici de vous piéger un peu (les résultats démontrent que ça a bien marché, désolé) tout en respectant autant le thème de la semaine... que ma propension à trop réfléchir parfois en terme de politique des auteurs.
Pour ceux qui ignoreraient qui est Douglas Trumbull, sa carte de visite dans le domaine des effets spéciaux visuels est plutôt éloquente : "2001, l'odyssée de l'espace", "Le Mystère Andromède", "Rencontres du 3ème Type", "Star Trek - le film", "Blade Runner". Mais l'apport de ce grand artiste à la science-fiction s'est aussi fait au travers de quelques réalisations (surtout des courts métrages), dont la première et la plus originale fut "Silent Running". Nous sommes en 1972, en pleine période de doute existentiel aux Etats-Unis, entre contestation politique et paranoïa latente, mais aussi au beau milieu du mouvement Flower Power. Ce film de SF singulier, aux ambitions clairement écologistes, se situe donc au confluent d'aspirations positives voire naïves et de considérations négatives qui jugent l'être humain nuisible car incapable de protéger l'écosystème dont il a profité jusqu'à l'assèchement des ressources qu'il se devait de protéger. A travers l'odyssée tristement solitaire d'un astronaute biologiste idéaliste, mais aussi caractériel et totalitaire (joué par le ténébreux Bruce Dern), Trumbull interroge notre relation égoïste à la nature, à l'harmonie entre les êtres et à la conquête inassouvie de nouveaux territoires. Par sa forme très seventies, le message de ce "Silent Running" - beau et fataliste à la fois - pourra sembler aujourd'hui un peu candide et suranné pour certains, mais les questions soulevées par ce film n'ont jamais été aussi brûlantes qu'à notre époque. Visuellement, le travail de Douglas Trumbull est splendide ; et malgré quelques maladresses (comme l'anthropomorphisme appuyé des petits robots ou la naïveté de certaines séquences), le cinéaste a su conférer à son œuvre un rythme lent - presque hypnotique - qui procure un bel équilibre entre les scènes contemplatives et les quelques éclats de violence (tant physique que psychologique) qui les bousculent.